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Résumé : Faire de l'entreprise un espace démocratique dans lequel les travailleurs et les travailleuses, en tant que fins connaisseurs de leur activité, pourraient éclairer voire prendre part aux décisions concernant leur travail, son organisation, son rythme ou même sa finalité. Telle est l'ambition d'un ensemble de réflexions, de réformes, de régulations qui cherchent à promouvoir une « démocratie au travail » permettant aux salariés de décider de manière autonome et pour eux-mêmes de l'organisation du travail, voire même de son sens dans leur entreprise. Si les dispositifs de démocratie indirecte, dite « représentative », via l'information, la consultation et la négociation ont été largement explorés, peu de recherches se sont portées sur les dispositifs de démocratie directe, dite « participative ». Pourtant, le pouvoir politique comme les partenaires sociaux promeuvent fortement le « dialogue professionnel », censé permettre l'expression directe des salariés sans médiation des instances. Ce rapport de recherche apporte ainsi une contribution originale aux réflexions sur la démocratie en entreprise, en s'intéressant à un dispositif participatif, le droit d'expression directe et collective, censé faire des salariés des acteurs à part entière de la vie de l'entreprise. Le rapport propose de faire le bilan de ce dispositif, qui part des attentes qu'il a suscitées lors de sa mise à place dans les années 1980 pour analyser ses usages actuels. Pour cela, nous nous appuyons sur des enquêtes sociologiques, quantitatives et qualitatives. D'une part, nous avons construit une base de données exhaustive de plus d'un millier d'accords signés entre 2014 et 2023 dans des établissements instaurant ce droit d'expression directe et collective. D'autre part, nous nous appuyons sur des entretiens conduits avec des acteurs syndicaux au niveau des confédérations et dans des organisations. Nous nous appuyons enfin sur une littérature grise variée qui couvre la période des années 1980 et nous permet de rendre compte de la situation actuelle dans une perspective de long cours. À partir de notre matériel empirique, nous montrons que ce dispositif, s'il a certaines vertus (reconnaissance de l'expertise des salariés, reconstruction des collectifs, construction de revendications communes), présente néanmoins un ensemble de limites et de faiblesses. Celles-ci tiennent en premier lieu à une triple domination managériale en amont dans l'organisation des réunions par les managers, en situation par la présence de la hiérarchie aux réunions et en aval par une absence de prise en considération, par les directions, du contenu exprimé. Les lacunes de ce dispositif s'expliquent en second lieu par l'intensification du travail et l'éclatement des collectifs qui empêchent de disposer de temps collectif consacré à la réflexion quant au contenu et au sens du travail. Le rapport montre ainsi les lacunes de ce dispositif et invite à donner des moyens effectifs pour mettre en oeuvre ce droit direct tout en renforçant les droits syndicaux et à la représentation, que l'expression directe peut fragiliser. [résumé auteur.e.s]