La recomposition sociale des catégories de filiation et de genre : évolutions et résistances

Fabienne Berton, Marie-Christine Bureau et Barbara Rist[1]

Introduction

Dans cet ouvrage, consacré à la construction des catégories de genre, un domaine, celui de la famille, est important à aborder car il a connu à partir de la seconde moitié du 20e siècle de profondes transformations. Cette institution de la société a en effet été traversée, aussi bien du point de vue des pratiques réelles que de la législation ou des politiques qui la concernent, par des mouvements rapides qui tendent à affranchir les relations en son sein d’un certain nombre de normes et de codes sociaux en usage dans les années antérieures.

Parmi ces affranchissements, nous choisissons de nous intéresser à deux en particulier. Dans quelle mesure les transformations récentes de la famille et en particulier la multiplication des familles monoparentales, des recompositions familiales et la reconnaissance des familles homoparentales peuvent-elles être analysées en termes d’affranchissement des liens du sang et d’affranchissement des catégories de genre ? La question des liens du sang dans la famille est délicate à analyser : si la famille est par excellence le lieu d’expression des liens du sang, il ne faut pas oublier que le droit recourt depuis longtemps à la fiction dans le cas de la présomption de paternité dans le mariage et du droit de l’adoption par exemple, tandis que très récemment les techniques de recherche d’ADN procurent en ce domaine des résultats sans appel. L’évolution n’irait donc pas du biologique vers le social mais du biologique présumé au biologique assumé. La question des catégories de genre pose d’autres difficultés. Ce sont essentiellement les familles homoparentales qui la remettent en cause. Quoiqu’il en soit, ces affranchissements ne vont pas sans résistances aussi bien au plan des actions politiques qu’au plan des représentations qui guident les pratiques sociales : aussi bien le couple parental que le lien biologique résistent.

Une première partie a pour objectif de brosser les principales transformations de la famille depuis les années 1960 aussi bien du point de vue des faits que des politiques, du droit et des interprétations sociologiques. Les deux parties suivantes questionnent chacun des affranchissements, l’affranchissement des liens du sang dans une deuxième partie, l’affranchissement des catégories de genre dans une troisième.

I. Les transformations de la famille, parentalité, démariage et droits de l’enfant

Pilier de la société jusqu’à un passé récent, la famille prenait appui sur le mariage, institution reposant sur une relation conjugale stable et indissoluble, marquée par la domination masculine et la défense de la paternité et de la filiation. Au regard de la multiplication des divorces et des mises en unions libres, certains observateurs ont parlé de crise, voire de mort de la famille. La diversification des configurations familiales depuis les années 1970 avec le développement des familles monoparentales, recomposées, voire homoparentales ainsi que le déploiement des modes de procréation assistée ont ouvert un débat sur ce qui « fait famille » aujourd’hui en France. En 2011 en effet selon l’INSEE (2015), 55 % des enfants naissent hors mariage (et 65 % des premiers-nés), alors qu’ils n’étaient que 6 % en 1970 ; 18 % des enfants de moins de 18 ans vivent dans des familles monoparentales (avec leur mère dans 85 % des cas) ; 11 % des enfants de moins de 18 ans vivent dans des familles recomposées ; seules 20 % des familles ont trois enfants ou plus, alors qu’elles formaient le quart des familles en 1990  et 18 % des familles avec des enfants mineurs sont des familles immigrées.

1. De la famille à la parentalité

Au cours des années 1990, le terme de parentalité devient consensuel dans l’action publique. Il renvoie aux transformations profondes de la sphère privée de la société. Le rôle de la famille dans la structuration sociale ne va plus de soi, il prend de nouvelles formes. Le terme « parentalité » permet de faire face aux reconfigurations de la famille contemporaine et de décliner de nouveaux modes d’action publique en direction des parents. Il tend même parfois à remplacer celui de « famille ». Les questions portent désormais davantage sur les manières d’être parent, multiples, décomposables, reconfigurables et sur les rapports entre parents et enfants. Le succès du terme parentalité semble dû tout à la fois à une transformation de la famille, à une nouvelle définition du rôle de parent et à une nouvelle place faite aux enfants. La culture de l’enfance vient renforcer l’objectif politique du bien-être de l’enfant qui trouve son aboutissement avec la Convention internationale droits de l’enfant (CIDE), traité international adopté par les Nations unies en 1989, reconnaissant les droits fondamentaux des enfants.

Le terme de parentalité sert à distinguer les parents de la fonction de parents qui peut être assumée par d’autres. Cette dissociation entre parenté et parentalité alimente la recherche en sociologie du droit. Irène Théry (1998) montre que les différents types de filiation – biologique, sociale, légale – se sont disjoints à partir de la loi du 3 juillet 1972 qui pose le principe de l’égalité entre filiation naturelle et légitime. La filiation ne dépend plus dès lors du cadre du mariage et la paternité légale, biologique et sociale n’est plus attribuée d’office au mari. Plusieurs types de filiations peuvent coexister. Cette évolution, qui concerne largement les familles recomposées, intéresse directement les parents homosexuels, pour lesquels la filiation sociale joue un rôle primordial.

Pour comprendre cette évolution de la famille à la parentalité, il faut revenir, entre autres, à la révolution juridique qui a particulièrement marqué la seconde moitié du 20e siècle : l’autonomie progressive des femmes, la réforme du divorce, le contrôle des naissances, leur médicalisation, la découverte de l’intérêt de l’enfant, et la Convention internationale des droits de l’enfant.

2. Une intense transformation juridique à partir des années 1960

Historiquement, c’est le mariage qui donne un père aux enfants que la femme met au monde. Le cœur du mariage est la présomption de paternité qui fait du père présumé biologique, le père légal : « L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ». C’est cet ordre matrimonial de la famille qui a conduit à la stigmatisation des « bâtards » et de leurs mères. Les femmes étaient divisées en deux catégories : d’un côté, les honorables épouses et dignes mères de famille ; de l’autre, les filles perdues et les prostituées (Théry, 2016). « L’autorité du mari et père, de même que l’obligation de fidélité de l’épouse étaient garantes du bon fonctionnement de l’institution du mariage. Le Code civil de 1804 a régi la famille sur un mode patriarcal : titulaire de la puissance paternelle et de la puissance maritale, le mari est seigneur et chef de la communauté. Il est seul juridiquement capable, l’épouse ne pouvant pas gérer ses biens, même si elle a hérité une fortune de sa propre famille ». Le code institue l’incapacité juridique de la femme mariée et sa soumission à son mari : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari ». […] On estimait alors que la cohésion de la famille nécessitait l’exercice d’une autorité qui ne pouvait être dévolue qu’au mari » (Dekeuwer-Desfossez, 2003).

La seconde moitié du 20e siècle a progressivement remis en cause la puissance du père et des époux dans la famille tout en reconnaissant aux femmes le droit de contrôler leur procréation avec les lois sur l’avortement et la contraception (Verjus, 2013). Dans les années 1960, la femme mariée acquière progressivement une autonomie : les droits des femmes ont évolué avec la loi sur les régimes matrimoniaux de 1965. L’ouverture d’un compte bancaire, la signature d’un chèque ou l’exercice d’une profession séparée sont désormais possible sans l’autorisation du mari. À partir de la loi du 4 juillet 1970, un nouveau droit de la famille accorde des droits identiques à la mère et au père. Il établit « L’égalité des époux qui s’obligent mutuellement à une communauté de vie » (article 2). Les éléments impliquant les notions de « chef de famille » et de « puissance paternelle » du Code de 1804 sont remplacées par celle « d’autorité parentale » exercée en commun par les deux parents. Désormais « les deux époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille » (article 6). Dorénavant, la femme mariée peut apposer sa signature au même titre que son mari dans tous les actes administratifs. En 1975, le divorce par consentement mutuel apparait. En cas de divorce, l’autorité parentale est exercée par celui des deux parents qui a la garde des enfants, la mère le plus souvent. Dans le cas de parents non mariés, la loi attribue l’autorité parentale à la mère. En 1985, la réforme des régimes matrimoniaux instaure une véritable égalité des époux aux yeux de la loi.

Dans le même temps, le regard sur l’enfant et son statut évoluent. Les transformations peuvent se lire dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 et sa notion phare, « suprême » (Youf, 2002), de « l’intérêt de l’enfant », censée guider tous les rapports à l’enfance, privés et publics : « Il importe de préparer pleinement l’enfant à avoir une vie individuelle dans la société, et de l’élever dans l’esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en particulier dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité », annonce le préambule de la CIDE du 20 novembre 1989. Sans valeur contraignante, cette convention inscrit la relation éducative dans un rapport de droits et de devoirs, bouleversement décisif tant pour le regard porté sur l’enfant que pour la manière dont on envisage la mission éducative des adultes et au premier chef des parents.

Les années 1990 ouvrent les évolutions à la famille toute entière avec la fin de la distinction entre enfants naturels et légitimes (1993), le droit à la filiation grâce à la Procréation médicalement assistée (PMA, 1994)[2], la création du Pacte civile de Solidarité (PACS, 1999). Le Code civil est remanié en 2002. La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, établit des droits et des devoirs égaux entre pères et mères, elle développe la résidence alternée pour les enfants de parents divorcés et crée un médiateur familial : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. […] Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant, pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. […] Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Le partage de l’autorité parentale est parfois perturbé en cas de divorce qui exige un accord sur l’exercice de la parentalité : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. […] Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. […] Si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ». Á la même date est promue une loi relative au nom de famille : tout enfant doit pouvoir recevoir soit le nom de sa mère, soit le nom de son père, soit les deux noms accolés dans l’ordre choisi par les parents. Enfin, la loi du 17 mai 2013 ouvre le mariage civil, l’adoption et la succession aux couples de même sexe au nom de l’égalité et du partage de la liberté.

3. Les interprétations sociologiques : une famille démocratique définie par les liens de filiation

C’est désormais la filiation[3] qui garantit la stabilité de la famille, en délivre le sens et en préserve l’unité (Boisson, 2006 : 103). Si l’enfant fait maintenant la famille, le mode d’organisation des relations internes à la famille est également bouleversé. L’égalité des rapports entre hommes et femmes, en supprimant le statut d’infériorité des femmes au sein du mariage et en libérant la sexualité, a définitivement remis en question l’indissolubilité du couple. Le déclin de l’autorité parentale coercitive s’accompagne de la montée du dialogue comme nouveau principe de régulation dans la famille (Neyrand, 2007 : 144). La construction de liens démocratiques dans l’institution familiale suppose des parents conscients de leur citoyenneté et de l’avenir de leurs enfants comme futurs citoyens. L’enfant dans la démocratie étant avant tout défini comme un sujet de droit et non comme la possession de ses parents. Dans une démocratie participative telle que pourrait le devenir la famille, les rapports de parole sont primordiaux, bien plus que la soumission à l’autorité. Ce qui est souvent présenté comme un déclin général de l’autorité, et du père comme pater familias, pourrait au contraire être l’effet de ce qui est en cours d’invention en matière de liens familiaux nouveaux (Hurstel, 2008).

Au travers du paradigme de la famille contemporaine comme « famille démocratique », François de Singly (1996) démontre que loin de marquer une fin de la famille, cette mutation lui donne une attractivité nouvelle : « Aujourd’hui, la forme de la vie privée que chacun choisit n’a guère besoin d’une légitimité externe […]. Elle se structure avant tout sur la reconnaissance mutuelle des personnes qui vivent ensemble, sur le respect qu’elles se portent ». Dans cette perspective, le parent est essentiellement celui qui sait aider l’enfant « à être lui-même, à développer ses capacités personnelles, à s’épanouir », au sein d’une famille qui se présente comme un « espace des relations affectives, personnelles et (assez) durables », et dont la fonction centrale est la « construction de l’identité individualisée » (Boisson, 2006 : 110).

C’est là la description d’un mode de vie « d’un moindre contrôle social, d’une perte d’emprise des communautés d’appartenance sur les existences de chacun et d’une plus grande autonomie individuelle », comme le résume Jean-Hugues Déchaux (2010). Cet auteur identifie deux moments de césure en France, qui font entrer l’exigence démocratique, jusqu’alors restreinte à la sphère publique, au sein de la vie familiale (Déchaux, 2015) : les années 1970 qui déploient les premières grandes réformes du droit de la famille, puis à partir des années 2000 la deuxième vague de réformes redéfinissant ce qui « fait famille » avec le droit à la filiation grâce à la PMA, la création du PACS, l’abandon des notions de filiation légitime et naturelle, l’ouverture du mariage aux couples homosexuels et l’accent mis sur la coparentalité[4] en cas de séparation. Jean-Hugues Déchaux souligne ainsi le déplacement à partir de la fin du 20e siècle, du domaine public vers celui de la vie privée de l’exigence démocratique, fondée sur le libre choix, l’autodétermination et la négociation entre parties égales. Avant ce point de basculement, la famille est placée du côté de la « loi naturelle et non de la loi politique ». Son caractère « naturel » fondait et justifiait son pouvoir normatif. Revendiquer une définition personnelle de la famille n’avait alors pas de sens, sauf à s’élever contre des lois naturelles, par définition extérieures et surplombantes. La famille apparaît cependant toujours aux yeux du plus grand nombre comme une réalité naturelle comme le montrent les débats qui agitent la société française encore aujourd’hui. Le caractère récent de l’invention de la famille dans nos sociétés est souligné par Pierre Bourdieu (1993) qui insiste également sur son apparence naturelle. Françoise Héritier (2002) l’avait bien vu : tout le monde sait ou croit savoir ce qu’est la famille, tant cette réalité est inscrite au cœur de notre expérience quotidienne. Cette unité du monde social ne saurait pourtant exister sans l’arsenal de droits et d’interdits qui la régule, ni sans les imaginaires qui la peuplent. Les travaux des anthropologues sont là pour nous convaincre que les contours de la famille ne vont pas de soi. Nous faisant voyager dans le temps et dans l’espace, ils nous donnent à voir la multiplicité des formes que celle-ci a pu et peut encore revêtir (Godelier, 2004 ; Eideliman, 2007). Si les valeurs démocratiques d’égalité et de liberté au sein de la vie familiale ne se concrétisent pas toujours dans les pratiques, elles deviennent a minima des normes de référence. Logiquement, différents modèles familiaux revendiquent dès lors une égale dignité.

4. Vers un affranchissement des liens du sang et des catégories de genre ?

Les évolutions actuelles de la famille et du droit qui la régit interrogent trois principes fondateurs de la parenté :

  • La bilatéralité, qui suppose deux parents et deux lignées pour établir la filiation ;
  • La complémentarité des sexes, qui veut que les parents, présumés géniteurs de l’enfant soient de sexe différent pour précisément permettre la procréation ;
  • L’exclusivité, qui ne reconnaît que deux parents, pas plus, à un enfant (Déchaux, 2015) en référence non seulement à la procréation biologique mais aussi à la filiation.

Dans ce contexte, dans quelle mesure est-il permis d’affirmer que se dessine la voie vers un double affranchissement : un affranchissement des liens du sang avec les impulsions pour fonder la filiation sur l’engagement parental et non plus sur la réalité biologique et un affranchissement des catégories de genre avec le mariage homosexuel qui remet en cause la complémentarité des sexes et constitue le point de passage obligé pour que le parent non biologique puisse par adoption accéder au statut de deuxième parent de l’enfant ? Ces deux affranchissements font l’objet des deux parties suivantes. Ils ne vont pas sans résistances qui s’expriment à travers la défense du lien biologique et la défense de la complémentarité des sexes.

II. Une parentalité affranchie des liens du sang ?

De nouvelles configurations familiales émergent à partir des années 1970, confirmant la possibilité de « faire famille » en dehors des liens du sang. Cette évolution se manifeste par la création de nouvelles catégories statistiques et des pratiques sociales inédites. Elle s’accompagne de luttes, encore vives aujourd’hui sur les modes de désignation et les droits dont disposent ces nouveaux types de famille. Plusieurs réformes du cadre légal prenant acte du pluralisme familial (réforme de la filiation en 2009 ; ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013) ont intégré les effets du divorce et de la famille naturelle. Dans nombre de situations, ce partage de l’autorité parentale exige un accord sur l’exercice de la parentalité qui s’inscrit dans un modèle de coparentalité consacré par la loi du 4 mars 2002. Le droit d’exercer ses prérogatives de parents se conjugue aussi avec le droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents. Le droit est donc un élément clé pour l’économie des rapports familiaux et les débats qui accompagnent le cadrage de l’autorité des parents s’organisent maintenant autour de l’intérêt de l’enfant.

Nous nous intéressons dans cette partie aux familles monoparentales et recomposées, qui illustrent une émancipation commune à l’égard de la filiation biologique tout en posant des questions spécifiques. Les familles recomposées introduisent dans le quotidien de l’enfant des beaux-parents (ou parents sociaux), qui lui sont attachés par une relation affective et de responsabilité sans lui être affiliés biologiquement. L’enjeu est donc celui de la concurrence entre les différents liens parents-enfants (biologiques ou sociaux). Dans le cas des familles monoparentales, la filiation biologique n’est pas mise en rivalité ou « remplacée » par l’introduction d’un parent social : elle est mise à distance et dévaluée lorsque le père biologique (dans la majorité des cas) est écarté (de son fait ou pas) du foyer où vit l’enfant. La légitimation progressive de ces configurations familiales fortement dévalorisées jusqu’aux années 1970 a rencontré de nombreux points de résistance. Leur dénomination et l’encadrement juridique dont elles bénéficient suscitent encore actuellement des débats contradictoires souvent passionnés.

La première difficulté que pose leur désignation tient à l’inadéquation des catégories instituées. Cette inadéquation est redoublée par l’instabilité et la multiplicité des termes utilisés dans les différentes arènes publiques. Les dénominations varient selon les acteurs qui les mobilisent au sein des médias généralistes ou spécialisés, des milieux professionnels, militants, ou académiques (Déchaux, 2011), et selon leurs positions. Ce processus de désignation rassemble en effet des enjeux à la fois politiques, pratiques et scientifiques. Différents protagonistes interviennent dans ce processus, porteurs d’enjeux divers : des acteurs de la politique familiale, des sociologues, des associations militantes qui cherchent à faire reconnaître dans la sphère publique les nouvelles pratiques élaborées dans le quotidien des familles. Les sociologues, par leurs travaux d’enquête et leurs analyses de ces spécificités familiales participent pleinement à ce processus de construction de catégories. Visibiliser, définir et nommer ces familles constitue la condition première de leur reconnaissance. En cela, la visée académique d’apport de connaissances est indissociable de l’enjeu politique. En confirmant l’existence d’un nouveau phénomène social, les sociologues contribuent à « normaliser » ces configurations non traditionnelles, à transformer leur image sociale, et en définitive à faire avancer leurs droits et à modifier leur vie quotidienne.

Le mouvement d’affranchissement des liens biologiques qui accompagne la démocratisation de la famille et le développement du pluralisme familial depuis les années 1970 (Déchaux, 2011) répond ainsi à des enjeux politiques, scientifiques, moraux et affectifs multiples, variables selon les familles monoparentales et recomposées.

1. Les familles monoparentales : émergence et conflits de catégorisation

Les familles monoparentales ont été introduites ou plus précisément importées des USA, par des sociologues féministes dans les années 1970, dans le but d’en finir avec des termes dévalorisants comme « fille-mère » ou « mère célibataire » : il s’agissait de faire reconnaître les foyers monoparentaux comme des familles à part entière (Boisson, 2006). Les travaux d’Andrée Michel (1978) et de Nadine Lefaucheur (1985) ont ainsi contribué à changer le regard porté sur ces familles en les faisant apparaître comme une forme « moderne » voire émancipatrice de configuration familiale. L’apparente neutralité de la notion efface – ou plutôt recouvre – le stigmate moral attaché à l’image de la fille-mère : « Les représentations dominantes de la dignité et de l’indignité féminines et le contenu donné au concept de famille […] ont longtemps empêché d’embrasser dans un même regard la veuve éplorée, brisée par la douleur et la chasteté supposées au sommet de la hiérarchie de la dignité féminine près de la religieuse, et la fille-mère éhontée, disputant à la prostituée les derniers barreaux de l’échelle de l’indignité. Ce qu’elles – et les ménages qu’elles constituaient avec leurs enfants – ne pouvaient avoir de commun était ainsi à proprement parler rendu invisible. Qu’un même terme puisse les désigner était également à proprement parler impensable » (Lefaucheur, 1985 : 206-207). Ainsi, la notion de famille monoparentale, longtemps inimaginable, émerge simultanément comme objet de recherche, catégorie statistique et objet d’action publique. La Fédération syndicale des femmes chefs de famille, renommée ensuite Fédération syndicale des familles monoparentales (puis des familles monoparentales et recomposées), est intégrée à l’UNAF (Union nationale des associations familiales)[5], devenant ainsi un interlocuteur des pouvoirs publics. La création en 1976 de l’allocation de parent isolé (API) consacre la reconnaissance par les pouvoirs publics de ce nouveau type de famille, par ailleurs jugé exposé au risque de pauvreté. Le débat préalable à cette mesure législative a d’ailleurs contribué à faire exister politiquement la « famille monoparentale » auprès des différents partis, que ceux-ci l’aient considérée comme vulnérable, objet de solidarité ou plutôt comme signe précurseur des transformations contemporaines de la famille (Eydoux et Letablier, 2007 : 10 et suiv.).

Au niveau politico-administratif, il existe principalement deux définitions concurrentes des familles monoparentales : une définition statistique utilisée pour étudier les caractéristiques de ces familles et une définition administrative, celle des caisses d’allocations familiales (CAF) qui renvoie à la catégorie des « parents isolés » en tant que cible des politiques familiales. Or ces deux définitions se recouvrent imparfaitement. « Au sens de l’INSEE, les familles monoparentales sont identifiées dans les enquêtes ménages. Elles représentent les ménages pour lesquels le parent vit seul sans conjoint avec ses enfants âgés de moins de 18 ans dans un logement ordinaire, sans qu’il y ait d’autres personnes partageant le même logement en excluant les cas de cohabitation intergénérationnelle. Pour les CAF, les familles monoparentales sont définies comme les personnes veuves, divorcées, séparées, abandonnées ou célibataires, qui n’ont pas de vie maritale et assument seules la charge d’un ou plusieurs enfants âgés de moins de 20 ans » (EFIGIP, 2011 : 2). En dépit de toutes ces réserves, la notion continue d’être assez largement utilisée, le plus souvent pour mettre en évidence la corrélation entre monoparentalité et pauvreté.

Constituée en catégorie administrative, la notion de « famille monoparentale » continue pourtant de faire débat, dans les arènes académiques comme sur la scène publique. En raison d’abord de son abstraction : en effet, la politique familiale appréhende les populations à travers le prisme de leurs droits potentiels où les structures sociales sont diluées dans des catégories administratives. Les ayants-droit sont dissous dans des ensembles qui font abstraction de leur inscription dans des structures sociales et sexuées (Le Lann et Lemoine, 2012 : 68). Au lieu de « femmes célibataires ouvrières », on parle de « familles monoparentales » (Lenoir, 2003 : 19 et 20). Gérard Neyrand (2001 : 76) va plus loin. Il considère qu’en masquant la différence de positionnement de chacun des deux sexes, on risque de passer sous silence le fait que cette situation concerne essentiellement des femmes. Mais il relève aussi, et c’est peut-être plus grave, que le terme induit une représentation tronquée de la famille en niant la réalité de l’autre parent. Cette deuxième critique est très vive dans certaines associations de pères (Mouvement de la condition paternelle, SOS Papa) qui dénoncent cette négation de l’autre parent. Par exemple, lors d’une audition parlementaire en 2006, M. Alain Cazenave, président de l’association SOS Papa, s’est dit choqué par l’emploi de l’expression « famille monoparentale », estimant : « que ce terme devrait être réservé à la désignation des cas dans lesquels l’un des parents est décédé ou a complètement disparu ». Selon lui : « Après la séparation, l’un des parents dans la majorité des cas, cherche à éliminer l’autre et à “s’approprier” les enfants » (Gautier, 2006 : 75). À l’instar de Gérard Neyrand, les associations de pères préfèrent donc la notion de « foyer monoparental » qui se limite à constater l’occupation du logement, sans extrapoler sur le fonctionnement de la famille, ce qui rejoint l’application d’un critère subjectif visant à considérer comme monoparentales les familles se déclarant comme telles. On notera que le Haut conseil à la famille (2012) a choisi de privilégier le terme de « foyer monoparental » sur la base de ces arguments. Cette dénomination est fortement dépendante des contextes culturels. À l’issue des auditions, le rapport parlementaire critique doublement la pertinence de la catégorie statistique « familles monoparentales » : d’une part le fait que le deuxième parent ne partage pas le logement familial n’implique pas qu’il soit absent de la vie de l’enfant[6] ; d’autre part il peut s’agir d’un état plus ou moins transitoire, ce qui en change évidemment la signification.

L’affranchissement des liens du sang dans les situations de monoparentalité entérine l’absence du père biologique de la vie familiale. Cette situation est défendue par des mères séparées estimant préférable de se passer complètement du père biologique si elles le jugent défaillant. Lors de notre enquête sur les normes familiales (Berton et al., 2015), une mère de famille élevant seule ses enfants après le départ de son mari affirmait ainsi : « Je suis la mère, je suis le père, je suis tout. On n’a pas besoin d’un homme qui merde ». Dans la même optique, des mouvements féministes légitiment l’évincement des pères en cas de conflit, au nom de l’émancipation des femmes de l’autorité traditionnelle patriarcale et de leur droit à « faire famille » sans homme.

Cette contestation des droits inaliénables attachés aux liens biologiques, réels ou présumés, rencontre des résistances de la part des pères exclus, comme on l’a vu plus haut, mais aussi des travailleurs sociaux. Les professionnels, appliquant des politiques de parentalité inquiètes de la croissance et la vulnérabilité sociale des familles monoparentales, combattent en faveur de la coparentalité, et tentent de restaurer la place du père dans la famille en cas de séparation, s’affrontant souvent à des mères désirant rompre radicalement des liens trop conflictuels. La question de l’absence du père, d’un point de vue social, matériel ou psychique apparaît en effet comme l’une des grandes questions modernes qui préoccupe les sociologues (Gauchet, 2007), comme les professionnels.

2. Les familles recomposées : l’enjeu du parent social

Si le phénomène de la recomposition familiale est sans doute à peu près contemporain de la monoparentalité, sa reconnaissance est un peu plus tardive[7]. C’est la sociologue Irène Théry qui a introduit pour la première fois le terme de famille recomposée, lors d’un numéro spécial « Les beaux-enfants » dans la revue Dialogue de 1987 pour nommer la forme d’organisation familiale que la langue anglaise désigne alors sous le vocable de stepfamily. Son souci était alors de donner une existence reconnue à ces configurations nées du démariage, un phénomène devenu de plus en plus fréquent (Meulders-Klein et Théry, 1993). Familiarisée avec le droit et les arcanes de la justice, elle considère en effet que la recomposition familiale suscite de nouveaux défis juridiques et pratiques, dans un domaine où les normes restent à inventer. Elle souligne ainsi l’émergence de plusieurs enjeux liés. On observe d’abord une transformation du rapport au temps du couple et de la famille, avec la modification de deux temporalités auparavant mêlées : le temps conjugal (historique) et le temps parental (immuable). Le temps conjugal doit désormais perdurer sous une forme différente ; les nouveaux conjoints héritent du passé de l’autre. Ensuite, la collaboration nécessaire entre les ex-conjoints pour l’éducation des enfants suppose l’élaboration de normes, de références, de limites et de repères, aujourd’hui à peine en train d’émerger. La proximité des domiciles est-elle, par exemple, un devoir ? Comment distinguer deux parents et un couple parental ? Comment rendre les principes éducatifs de chaque parent compatibles avec ceux de l’autre ? La notion de « gardien de l’enfant » s’estompe au profit de celle de « coparentalité »[8]. Enfin, la recomposition familiale provoque l’apparition d’une figure inédite de parentalité : le nouveau conjoint. C’est dans cette logique qu’un statut du beau-parent, est parfois souhaité, en particulier lorsque celui-ci est très présent dans la vie de l’enfant.

Les travaux d’Irène Théry ont permis à la fois d’initier une nouvelle catégorie statistique, « la famille recomposée » et d’alimenter les débats publics sur le statut du beau-parent dont le rôle reste faiblement institué dans l’hexagone.

La recomposition des familles, avec la dissociation du conjugal et du parental, la nouvelle place accordée aux enfants, l’implication croissante d’adultes non géniteurs dans le quotidien des enfants, favorise le succès du terme « parentalité », qui sert précisément à distinguer les parents de la fonction de parents qui peut être assumée par d’autres. Dans cette même logique, en 1993, le ministère des Affaires sociales constitue un groupe de recherche sur la parentalité, sous la direction de Didier Houzel[9]. Ce groupe pluridisciplinaire et pluri-institutionnel composé de juristes, psychologues, éducateurs, médecins de PMI, sociologues, aboutit à une définition de la parentalité en trois axes : exercice, expérience et pratique de la parentalité. L’exercice de la parentalité renvoie au niveau symbolique de l’identité – inscription dans une filiation et une généalogie – et a trait aux droits et devoirs des parents, il couvre l’autorité parentale ; l’expérience de la parentalité relève du niveau subjectif et renvoie à une expérience affective mettant en jeu plusieurs niveaux de représentations dans le processus de parentification ; la pratique de la parentalité concerne les tâches effectives et objectivables du quotidien. Cette décomposition des fonctions parentales permet de faire face aux reconfigurations de la famille contemporaine mais conforte aussi de nouveaux modes d’action comme la suppléance familiale, fondés sur le partage de ces fonctions avec les parents.

Le droit de la famille va ainsi progressivement s’adapter aux changements des pratiques : le droit du couple ou de la communauté́ de vie tend à se substituer au droit de la famille. « Ce n’est plus seulement le mariage qui fait la communauté́ de vie, c’est plutôt la communauté́ de vie qui fait la famille : le législateur prend acte de l’évolution des mœurs » (COR, 2007). La focalisation sur le lien parental, au détriment du lien conjugal, met l’accent sur la coparentalité et le partage de l’autorité parentale. Cette évolution normative s’illustre à travers l’instauration de la résidence alternée depuis 2002. « Dans le contexte actuel d’évolution des rôles parentaux, la coparentalité est inscrite dans la loi française comme principe régissant les relations du couple parental à l’issue de la séparation du couple conjugal (loi Malhuret de 1987, loi de 1993 et plus récemment, loi sur l’autorité parentale de 2002)[10]. Elle vise ainsi à instaurer un idéal égalitaire des relations au sein du couple parental, qui vient soutenir et marquer l’engagement paternel auprès de l’enfant à l’issue de la séparation conjugale » (Rouyer et al., 2007 : 51).

Les efforts pour reconnaître les nouveaux liens issus des recompositions familiales n’empêchent toutefois pas la faible visibilité des familles recomposées, qui peinent à s’organiser en tant que telles[11]. Il existe néanmoins un collectif Recomposer et un Club des marâtres. Le collectif Recomposer préconise la création d’un « Livret de famille recomposée » qui, sur la base d’un simple accord entre les deux membres du nouveau couple, permettrait de faciliter la vie quotidienne, tout en conférant au beau-parent une certaine légitimité sans remettre en cause la filiation[12]. De son côté, le club des marâtres s’adresse moins au législateur qu’aux professionnels qui interviennent auprès des familles. Outre le partage des expériences, il vise à faire évoluer les représentations de la famille en particulier auprès des psychologues : « Je suis dans la carrière de Marâtre depuis de longues années et je me rends compte que la vision d’un très grand nombre de psy continue de se limiter au triangle maman/papa/enfant. Nous qui sommes présentes au jour le jour, éducatrice, aimante et forcément impliquée dans la construction et les affects de ces chers petits, nous n’existons pas, nous ne sommes rien, et n’avons rien à dire de ces relations parfois complexes […] Je lance un appel au monde de la psy pour qu’ils révisent leurs schémas familiaux et s’adaptent aux nouvelles constructions psychologiques de nos chers petits »[13]. Du côté des pères divorcés, il existe de nombreuses associations, mobilisées pour défendre leurs droits. La contestation de l’ordre institué se fait ici particulièrement virulente. A SOS Papa, la charge est vive contre l’institution judiciaire, accusée de reproduire l’« obscurantisme social » et le « sexisme » diffus dans le corps social : « Les amours des hommes et des femmes peuvent s’éteindre et ce n’est pas sans cruauté parfois mais les conséquences en sont rarement catastrophiques. Autrement plus cruelle, stupide et dévastatrice est la destruction de la relation affective de l’enfant avec ‘l’autre’ parent, celui exclu, lors de la dislocation de la famille, par des lois et des pratiques sociales et judiciaires aberrantes qui n’ont de la famille qu’une conception économique, sexiste, violant les droits de l’enfant, négligeant ses besoins psychologiques vitaux, compromettant ainsi gravement son équilibre et son avenir social. L’enfant ne peut pas être ‘divorcé’ de l’un ou l’autre de ses parents et pas davantage contraint à des choix impossibles. La famille qui a été formée par sa naissance continue en effet d’exister. Nous prônons la déjudiciarisation du divorce et soutenons les (rares) lois, tel le projet de loi actuel sur la Résidence alternée de plein droit, qui prennent en compte l’évolution de la famille, les intérêts réels de l’enfant et l’égalité des droits de chacun des parents, conduisant à l’apaisement des tensions de la séparation et imposant des limites à l’arbitraire des magistrats dans les procédures où l’obscurantisme social et le sexisme peuvent influer gravement sur les décisions rendues »[14].

Les résistances à l’établissement de droits pour le beau-parent, s’expliquent en partie par la crainte de voir passer au second plan le parent biologique, dont les droits sont fragilisés en cas de divorce. Pour Claire Neirink, la prédominance croissante accordée aux compétences parentales dans les cas de coparentalité tend à évincer le parent biologique défaillant (plus souvent le père) au profit du parent « social » qui veut assumer l’enfant. « À la suite d’un divorce, les carences du père justifient non pas qu’on donne à l’enfant un substitut parental mais bien qu’on le remplace. Ainsi, le parent défaillant est définitivement éliminé et celui qui veut assumer l’enfant devient le père en titre » (Neirink, 2001). Dans le cas où le père défaillant est privé de son autorité parentale, le tribunal autorise ainsi l’adoption plénière de l’enfant par le beau- père, évinçant ainsi le père biologique, même en cas de refus de ce dernier. Claire Neirinck montre que cette nouvelle centralité des compétences parentales, conditionnant les droits et devoirs attachées aux adultes en charge de l’enfant et définissant la qualité de père, ouvre la porte à de nouvelles demandes de reconnaissance parentale, au nom de la compétence à élever un enfant, comme dans le cas de l’homoparentalité. C’est en partie la crainte de cette dernière possibilité qui explique les résistances opposées à l’établissement d’un statut du beau-parent. Toutefois, malgré les résistances diverses, la multiplication des recompositions familiales a accentué l’exigence de la création de droits légaux accordés aux adultes s’occupant de l’enfant en dehors des liens de filiation. Cela a été le cas avec la délégation d’autorité parentale. « À défaut de statut juridique du beau-parent, la délégation d’autorité parentale, renouvelée par la loi du 4 mars 2002, apparaît actuellement comme l’instrument privilégié de la reconnaissance juridique des liens entre l’enfant et son beau-parent » (Rebourg, 2010).

On peut pointer l’ambiguïté des pratiques des institutions en charge des politiques de parentalité vis-à-vis de l’affranchissement progressif des liens biologiques dans les familles. D’un côté la norme de coparentalité tient une place centrale dans les directives concernant l’accompagnement des familles. Les acteurs des politiques familiales et les professionnels de l’accompagnement identifient le déclin de la place du père comme une évolution majeure, et y voient une source de déstabilisation massive des familles. D’un autre côté, les politiques familiales visent à renforcer la confiance des parents actuels, jugés peu sûrs d’eux, en perte de repères éducatifs. Elles valorisent les « compétences parentales », mettent en avant l’engagement des parents dans leur fonction éducative et leur implication pratique dans le quotidien des enfants. Cette logique d’action tend à l’inverse à insister sur le rôle social du parent et sa dimension pratique, au détriment du lien biologique ou légal.

On peut enfin noter que les institutions, si elles tentent de s’adapter au pluralisme familial, peinent encore à penser en dehors du schéma du duo parental. La norme familiale persiste à circonscrire un couple formé de deux parents, ni plus – comme c’est le cas dans les familles recomposées, ni moins – comme c’est le cas dans les familles monoparentales. Cette difficulté à penser en dehors du duo exacerbe de fait la rivalité entre parent biologique et parent social. La reconnaissance légale de la pluriparentalité prônée par Irène Théry, permettrait sans doute d’appréhender l’affranchissement des liens biologiques de façon moins conflictuelle.

III. Une parentalité affranchie du genre ?

Si la diffusion de la notion de parentalité et la diversification des configurations familiales ont ouvert une brèche, une possibilité de dissociation de la famille par rapport aux liens de sang, qu’en est-il de la prégnance des catégories sexuées, bien symbolisée et résumée par le slogan des Français mobilisés contre le mariage homosexuel : « un papa, une maman » ? De fait, la reconnaissance des familles homoparentales bouscule tout à la fois l’importance du lien biologique dans la fondation de la parenté et la complémentarité des sexes dans l’institution de la famille. Si les couples homoparentaux continuent d’adhérer à la norme du couple, affirmant majoritairement leur préférence pour la constitution d’un duo formé de deux papas ou deux mamans, plutôt que pour une coparentalité impliquant plusieurs adultes, ils remettent clairement en cause la nécessité d’une complémentarité des sexes au sein de ce duo.

Au-delà des polémiques les plus vives qui se sont manifestées lors de la discussion du projet de loi autorisant « le mariage pour tous », les réticences par rapport à l’apparition de rubriques désincarnées telles que ‘parent 1’ et ‘parent 2’ dans certains formulaires administratifs, témoignent des résistances à l’affirmation d’une parentalité qui se serait totalement affranchie du genre. Or ce processus de dissociation accompagne dans une certaine mesure la construction sociale de l’homoparentalité, même si la différenciation genrée des rôles parentaux reste très prégnante dans les imaginaires et les pratiques. Nous reviendrons d’abord sur l’invention du terme « homoparentalité » avant d’évoquer les tentatives de désexualisation administrative de la fonction parentale, ainsi que les formes de résistance suscitées par ces tendances et la persistance d’une qualification sexuée des rôles, y compris dans l’expérience des familles homoparentales.

1. L’invention de l’homoparentalité

Comme dans le cas des familles monoparentales ou recomposées, la catégorie de famille homoparentale prend naissance sur le terreau d’une mobilisation militante associative, outillée par une expertise sociologique. L’invention du terme « homoparentalité » en 1997 par l’Association des parents gays et lesbiens (APGL)[15] pour désigner toute situation familiale où au moins un adulte s’auto-désignant comme homosexuel élève un ou plusieurs enfants, répond à un enjeu existentiel : « Tant que les familles homoparentales ne sont ni désignées, ni dénommées, elles ne peuvent prétendre à aucune existence » (de Singly cité par Boisson, 2006 : 107). Cet enjeu identitaire a des conséquences pratiques, dans un contexte où se multiplient les conflits autour de la garde d’enfants lorsque l’un des parents se révèle ou se déclare homosexuel, tandis que, d’un autre côté, les progrès de la procréation médicalement assistée (PMA) autorisent des couples de femmes à tenter l’aventure d’une insémination artificielle en Belgique ou en Espagne.

Martine Gross, alors Présidente de l’APGL et en même temps membre d’un laboratoire CNRS, joue ici un rôle pivot. Elle saisit l’importance de développer la connaissance scientifique sur ces familles pour faire évoluer les représentations sociales et les catégories de l’action publique. En 1997, l’APGL adresse une lettre à 300 unités de recherche. Cet appel à développer des recherches pluridisciplinaires sur l’homoparentalité est largement entendu puisque dix ans plus tard, on recense plus de 300 publications sur cette question. Plus encore, les recherches ne se contentent pas de décrire le quotidien de ces familles minoritaires, elles s’attachent à montrer l’homoparentalité comme un révélateur des rapports sociaux de genre et de l’évolution des structures familiales en Occident, considérant que la prise en compte de ces réalités nouvelles ouvre la possibilité de penser un autre droit de la famille (Cadoret, 2002 ; Descoutures, 2010 ; Le Gall, 2005).

Comme le souligne Martine Gross (2010 : 113), les débats de 2006-2007 rendent compte de l’état des mentalités qui prévaut alors dans la société : la parentalité est acquise pour les couples de même sexe, mais non la parenté. Or l’APGL souhaite s’engager plus avant sur le terrain de la filiation, fonder la filiation juridique sur l’engagement parental et non sur la réalité biologique. Entre les couples homosexuels, le débat existe aussi. Certains contestent le terme d’homoparentalité qu’ils souhaiteraient remplacer par celui de pluriparentalité (Mailfert, 2002 : 3). Il ne s’agit pas là d’une discussion purement sémantique mais d’une différence de stratégie et de choix des alliances pour se faire entendre : en parlant de pluriparentalité, on choisit de faire cause commune avec des familles recomposées : l’institution de la famille est contestée au sens où elle ne reconnaît pas plus de deux parents. En revanche, mobiliser le terme d’homoparentalité, c’est défendre en priorité la possibilité pour des personnes de même sexe d’élever un enfant et donc contester l’institution du couple parental au sens de la différence et de la complémentarité entre les sexes.

En mai 2013, la loi française autorise les couples de même sexe à se marier et adopter des enfants. Pour la première fois dans l’histoire du pays, ces couples accèdent à la pleine reconnaissance de la filiation. Mais à la différence d’autres pays comme les USA, le mariage constitue un point de passage obligé pour que le parent non biologique puisse, par la grâce de la procédure d’adoption, devenir le deuxième parent de l’enfant. Virginie Descoutures et Michael Stambolis (2019) relèvent que, sur un échantillon de quinze pays européens, cette contrainte du mariage comme condition de l’adoption n’en concerne que cinq[16]. Or, pour les mères lesbiennes non biologiques, cette obligation de suivre la procédure pour adopter ceux qu’elles considèrent, dès la naissance, comme leurs enfants, est vécue comme une violence symbolique. Nombre de couples lesbiens se résolvent ainsi au mariage, même s’ils le considèrent comme une institution patriarcale, non par choix mais dans le seul but d’accéder à l’adoption.

Concernant les procédures d’adoption, certains juges se sont montrés au départ très réticents, accusant les femmes de vouloir priver leur enfant d’un père et leur reprochant d’avoir enfreint la loi en ayant pratiqué une PMA à l’étranger. Il faut attendre septembre 2014 pour que la Cour de cassation rende deux avis (avis n° 15011 du 22 septembre) selon lesquels le recours à la PMA à l’étranger par un couple de femmes « ne constitue pas une fraude à la loi et ne fait pas obstacle à l’adoption par l’épouse de la mère de l’enfant né de la PMA si toutes les conditions légales de l’adoption sont remplies et si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant »[17]. La possibilité d’adoption par un couple de même sexe consacre de fait la dissociation de l’institution familiale par rapport à la complémentarité de genre.

2. Père et mère ou parents 1 et 2 ?

Ce processus a des conséquences évidentes pour les catégories administratives et statistiques qui servent à qualifier les situations familiales. Le projet ANR DEVHOM[18] est la première enquête quantitative de grande envergure sur les conditions de vie et d’éducation des enfants dans les familles homoparentales. Il vise à explorer pour la première fois à grande échelle et de façon rigoureuse le fonctionnement des familles homoparentales, dans leurs différents aspects, sociaux, éducatifs, économiques etc. En raison de la vivacité des débats autour de l’homoparentalité, les enjeux politiques de l’étude sont essentiels. Mais ils débordent la question de l’homoparentalité pour interroger plus globalement ce qui fait famille aujourd’hui en reconnaissant la diversité des places, des rôles, des types de liens entre enfants et adultes.

L’équipe DEVHOM, en charge d’une enquête à la fois quantitative et qualitative auprès de familles homoparentales, est confrontée à une double difficulté : l’identification des parents et leur dénomination. Comment repérer les personnes qui répondent à l’appellation de parents ? Dans les familles homoparentales, les configurations familiales peuvent être extrêmement variées. Dans les cas les plus simples, la famille se réduit au couple de même sexe et leurs enfants. Mais on peut rencontrer des situations de recomposition à la suite d’une première union hétérosexuelle, des situations de coparentalité avec une mère biologique, seule ou en couple et un père biologique, seul ou en couple ; des couples d’hommes qui recourent à la GPA[19] ou bien qui ont eu la possibilité de reconnaître ou d’adopter des enfants à l’étranger. En cas de coparentalité entre un couple gay et un couple lesbien, quatre personnes peuvent potentiellement se définir comme parents. S’il y a en outre séparation et recomposition familiale, ce chiffre peut encore augmenter, ce qui a amené les concepteurs de l’enquête à prévoir jusqu’à sept « cases » de parents. On mesure à quel point l’objectif de faire entrer dans les rubriques d’une enquête quantitative la multitude des possibilités d’être parent relève de la gageure. Mais une deuxième difficulté, tout aussi épineuse, consiste à trouver les mots justes pour désigner ces « parents ». Certains compagnons ou compagnes des parents biologiques refusent d’être considérés comme tels et d’assumer une responsabilité officielle vis-à-vis de l’enfant, alors même qu’ils assurent au quotidien un rôle éducatif et nouent des rapports affectifs avec lui. Inversement, le terme de « parent biologique » pose aussi question, dans la mesure où il porte le risque de mettre en avant la dimension naturelle de la procréation au détriment d’autres dimensions, sociale ou affective.

Confrontée à ces incertitudes sémantiques, l’équipe a choisi d’inscrire : parent 1, parent 2, parent 3, parent 4, (jusqu’à parent 7) dans le questionnaire soumis aux familles, évitant ainsi de qualifier le lien biologique, social, affectif ou juridique qui lie chaque adulte à l’enfant. En outre, ce choix neutralise complètement la dimension de genre. Il pose un éventuel problème de hiérarchie implicite entre les différents « parents » distingués par leur numérotation, problème auquel l’équipe choisit d’apporter une réponse tout à fait pragmatique : le premier adulte qui répond au téléphone pour l’enquête est noté « parent 1 » ! L’expérience de l’enquête a par ailleurs montré que l’existence d’un parent 7 restait purement théorique.

Concernant les formulaires administratifs, un amendement au projet de loi sur l’école en février 2019, proposait de remplacer les rubriques « père » et « mère » par « parent 1 » et « parent 2 ». Il a suscité un véritable tollé. Face à cette levée de boucliers, une nouvelle solution a été adoptée par le Sénat, offrant à chaque parent la possibilité de choisir entre les termes « père », « mère » et « autre représentant légal ». Le genre n’a donc pas totalement disparu des formulaires administratifs scolaires. En revanche, la dénomination parent 1/parent 2 prévaut déjà dans les documents officiels au Québec ainsi que dans plusieurs communes en France ou certains types de document comme les cartes de famille nombreuses SNCF.

« La polémique est loin de s’éteindre. Le choix fait pour l’enquête spécialisée DEVHOM n’est pas celui de l’INSEE pour le recensement 2019. Lors d’une interview par la revue Têtu, Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales (ADFH), critique le maintien des cases « père » et « mère » dans le questionnaire de l’INSEE, le jugeant « insupportable » et « stigmatisant »[20]. L’INSEE répond par tweeter interposé : « À l’issue d’échanges avec des démographes et sociologues et des tests auprès des ménages, il est apparu que les termes « parent 1 – parent 2 » étaient encore trop peu usités et connus de l’ensemble de la population française pour pouvoir être employés pour le recensement de la population[21]. Aux yeux de l’INSEE, la société française ne serait donc pas prête à accepter cette désexualisation de la fonction parentale.

Le choix sémantique renvoie de fait à une question philosophique profonde. « Le monde qui s’organise selon la différence des sexes est celui dont nous ne voulons plus » déclare Élisabeth Badinter[22]. Pour d’autres en revanche, la différence des sexes reste une différence fondatrice de notre société voire l’archétype des différences, à la base même du langage, à tel point qu’à leurs yeux, « la volonté d’en finir avec le monde organisé selon la différence des sexes révèle son essence nihiliste » (Rey, 2013).

3. La prégnance d’une qualification sexuée des rôles dans les familles homoparentales ?

Dans la vie quotidienne des familles homoparentales, cette tension n’est pas absente, loin de là. D’un côté, la grande majorité des familles homoparentales rencontrées lors de l’enquête qualitative affirment s’efforcer de résister aux normes de genre dans leurs pratiques éducatives, en particulier lorsqu’il s’agit de choisir les jouets, les vêtements, les activités de loisir. Mais de l’autre, elles sont nombreuses à évoquer la prégnance des différences de comportements qu’elles observent entre garçons et filles. Plus encore, la plupart se soucient de la transmission des modèles parentaux dans leur dimension sexuée. Une stratégie couramment utilisée consiste à valoriser, en dehors du couple parental, celles et ceux qui peuvent jouer le rôle supposé manquant dans la famille. Par exemple, plusieurs couples lesbiens accordent une attention toute particulière au choix des parrains : « Après, on essaye d’investir au maximum leurs parrains dans leur vie pour qu’ils aient aussi ce lien masculin qu’il n’y a pas ici et ça se passe très bien jusqu’à maintenant. Marie, elle peut partir des semaines, elle est partie une semaine en vacances. Les vacances dernières, elle y a été aussi. À chaque fois qu’il y a des vacances où on ne va pas loin de son parrain, elle va quelques jours chez son parrain » (Couple lesbien, une mère est militaire, l’autre directrice de périscolaire).

La qualification sexuée des liens entre enfants et adultes reste présente, même lorsque les parents avouent ne pas mesurer quelle est en réellement l’importance. Le dialogue qui suit entre l’enquêteur et une mère lesbienne témoigne d’une stratégie qui relève pratiquement du principe de précaution :

« Voilà, ça permet aussi, mine de rien, en choisissant un parrain qu’il y ait un référent masculin quand même dans l’entourage. Je me dis : si, un jour, ils ont besoin de parler, peut-être plus Vadim en tant que garçon, s’il a envie de parler à un homme, on pourra toujours dire : ‘Si t’as envie d’en parler à ton parrain…’ […] L’enquêteur : « Vous pensez qu’un garçon va avoir plus besoin d’un référent masculin ? » – « Je n’en sais rien. […] Vadim, je ne sais pas s’il aura plus besoin, mais j’imagine que… Moi, en tant que fille, il y a des choses, je n’en aurais pas parlé à mon père ».

Une autre stratégie consiste à transposer la différenciation sexuée des rôles au sein même du couple homoparental. Les rôles masculin et féminin sont alors distribués entre les deux membres du couple. Une mère lesbienne évoque ainsi le rôle quasi-paternel qu’elle estime jouer à l’égard de son fils : « Alors c’est vrai que je dirais que, avec Mathis, j’ai une relation un peu paternelle. Je bricole avec lui, je fais des trucs de papa entre guillemets ». Pour ce couple lesbien résidant à Paris – les deux femmes travaillant dans le domaine de l’éducation –, la transposition du schéma œdipien apparaît tout à fait pertinente, schéma d’ailleurs renforcé par le regard de la psychologue consulté par le couple : « C’est comme si nous étions des parents de deux enfants comme les autres, avec un Œdipe, un tiers séparateur, vraiment elle nous considère toutes les deux, comme si ma compagne était une sorte de père et moi une mère ». Un peu plus tard au cours de l’entretien, les deux femmes nous font observer un comportement de leur petite fille qu’elles jugent caractéristiques d’un Œdipe (agressivité vis-à-vis de celle qui joue le rôle de tiers séparateur), ajoutant que pour leurs deux enfants, les rôles sont rigoureusement inversés entre elles, ce qui permet une forme de symétrie dans leur relation. Dans ce cas, la différenciation sexuée est affirmée dans son rôle nécessaire à la construction de la personnalité de l’enfant, mais elle n’est en rien figée, à tel point que les rôles peuvent être intervertis. Enfin, une troisième stratégie, plus rare, consiste à accorder peu d’importance à la dimension sexuée des relations parentales voire à manifester une certaine in-différence à cet égard.

À l’école, les moments critiques de fêtes des mères et des pères peuvent suscitent le trouble et il n’est pas rare d’observer un certain flottement entre les différentes stratégies possibles. Prenons l’exemple de ce couple gay franco-américain (agent immobilier et responsable du personnel) résidant à Aix-en-Provence. Leur premier choix était de rechercher, pour la fête des mères, un référent féminin dans l’entourage proche de la famille, mais la maîtresse les pousse à assumer la différenciation père/mère au sein même de leur couple. Touchés par le soutien bienveillant qu’elle leur témoigne, ils acceptent la solution qu’elle propose, bien qu’ils ne soient manifestement pas convaincus. Le dialogue suivant exprime bien toute l’ambiguïté de la situation :

Nathan : « D’habitude, on en parlait à la maîtresse. Donc, on avait dit : ‘Tous les ans, Alberto choisit une maman dans sa famille’ qui n’est pas sa maman mais qui représente la maternité, la féminité, donc il fait quelque chose pour elle. […] Et cette année, on n’en a pas parlé à la maîtresse. Je ne sais pas, j’ai oublié, j’ai oublié ou je voulais en parler et puis ils ont commencé à travailler dessus. Un jour, Nathalie, la maîtresse, est venue me voir et m’a dit : ‘Vous savez, pour la fête des mères, moi j’ai réfléchi et je pense qu’il faut assumer votre famille, c’est super, votre famille est différente, donc à la fête des mères, il va faire quelque chose pour vous et puis, pour la fête des pères, il fera un truc pour Bruno, il faut y aller’. Enfin, elle était très militante. C’est la prof publique, République à fond. Donc, c’était sympa. Du coup, c’était tellement bienveillant, parce qu’elle m’a dit : ‘Votre truc de faire pour une dame de la famille, ce n’est pas assez fort, il faut que vous assumiez, vous êtes mère et père’. […] »

Bruno : « Pour la petite histoire, moi je suis d’accord avec elle et à la fois, je ne suis pas tellement d’accord. Comment dire ? Mon désaccord n’est pas assez fort pour que j’aille lui dire : ‘Non, parce que si’ […] Du coup, moi je vais avoir un cadeau ».

Nathan : « Du coup, tu vas avoir un cadeau. Et moi, j’ai eu une jolie boite rose pour la fête des mères ».

Bruno : « Mais comme on aime toutes les couleurs, ce n’est pas grave ! ».

Ainsi, l’invention de l’homoparentalité a affranchi le lien juridique de parenté de la fameuse « complémentarité entre les sexes ». Elle a aussi commencé à bousculer les catégories administratives et statistiques qui servent à décrire les situations familiales, dans le sens d’une plus grande abstraction indifférente au genre. Néanmoins, et cela est vrai aussi dans l’expérience des familles homoparentales, la dimension sexuée de la parentalité reste très prégnante dans les pratiques comme dans les imaginaires.

Conclusion

Aujourd’hui, malgré les évolutions importantes des catégories de filiation et de genre, rendues visibles par la transformation du droit comme des pratiques familiales, de fortes résistances persistent en faveur de plusieurs normes traditionnelles de la famille. La complémentarité sexuée au sein du couple parental (« un papa, une maman ») est défendue avec énergie par le collectif d’associations de confession catholique « La Manif pour tous », à l’origine des manifestations d’opposition contre le mariage homosexuel et l’homoparentalité (adoption, PMA, GPA) qui ont accompagné la loi de 2013. Le projet de loi en cours pour élargir le droit à la PMA à toutes les femmes (célibataires et lesbiennes) discuté au parlement à partir du 24 septembre 2019, va vraisemblablement réveiller ces résistances.

Outre ce combat pour préserver la bipartition sexuée des rôles parentaux, surtout porté par des mouvements confessionnels, l’attachement à deux autres normes perdure, de façon plus discrète et y compris parmi des groupes sociaux innovants en matière de parentalité : la norme du couple parental, qui limite la possibilité de penser la place de plusieurs adultes ou d’un parent seul auprès de l’enfant, et l’importance du biologique dans les représentations imaginaires.

La recherche d’une filiation biologique s’affirme ainsi paradoxalement au sein même de configurations familiales qui paraissent s’en affranchir. C’est le cas de mères lesbiennes qui cherchent à recréer des « fratries biologiques » en recourant à un même donneur anonyme pour leurs enfants. Dans le même souci du lien biologique, le droit à la recherche de ses origines constitue un combat d’actualité. Le rapport du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur les États généraux de la bioéthique 2018 propose notamment « de rendre possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme, pour les enfants issus de ces dons », sous réserve que les donneurs soient d’accord (Ladreyt, 2018). Vincent Brès, président de l’association PMAnonyme, considère toutefois cette avancée insuffisante, car non contraignante pour les géniteurs qui souhaitent garder l’anonymat.

Toujours selon le même mouvement, l’accouchement sous X fait l’objet d’encadrements successifs depuis 2003 : « les modifications juridiques affectant depuis plusieurs années le dispositif de l’accouchement sous X vont de façon constante dans le sens d’une restriction de la portée du droit des femmes […] » (Gründler, 2013 : 3). Si le droit à l’anonymat de la mère est toujours préservé, la fin de non-recevoir à l’action de recherche de maternité est supprimée en 2009, dans un souci d’égalité avec la recherche en paternité. Suivant l’attention nouvelle accordée au biologique, le tribunal de grande instance de Nancy a ainsi reconnu en 2006 la paternité du père biologique d’un enfant né sous X, qu’il avait reconnu in utero. Le père a pu récupérer son fils, devenu pupille de l’état à sa naissance, puis adopté (Leneveu, 2007). Cet exemple témoigne de la vitalité des deux normes évoquées plus haut : celle du duo parental associé à la défense d’une égalité de droits parentaux et la filiation biologique.

La lutte pour la transparence sur les origines fait l’objet de fortes revendications dans la sphère publique au moment même où la filiation biologique est fortement mise en balance avec la parenté sociale encouragée par les transformations de la famille. On peut penser, avec Irène Théry et Anne-Marie Leroyer (2014), que la reconnaissance d’une pluriparentalité, en supprimant la concurrence entre parenté biologique et sociale et en accordant une place légitime à plusieurs adultes autour de l’enfant, pacifierait des situations familiales aux prises avec des choix affectifs et des dilemmes impossibles.

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Annexe méthodologique

La principale source de ce chapitre se trouve dans une recherche collective « Être parent face aux institutions. Les interactions entre les familles et les professionnels de la petite enfance à l’occasion de la naissance d’un bébé » menée, grâce à un financement de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), entre 2012 et 2015 (Berton et al., 2015). L’objectif de notre recherche était, à partir du discours des parents, de mettre au jour les divergences et les conflits qui se manifestent dans les rapports entre familles et professionnels autour des normes éducatives aux tout premiers âges de la vie : qu’est-ce qu’être un bon parent ? Comment s’articulent les différentes dimensions de la parentalité ? Comment les normes portées par les parents peuvent-elles s’accorder avec celles véhiculées par les professionnels ? À partir du constat de la diversification sociale et culturelle et de la pluralité des configurations familiales en France, au-delà de la famille nucléaire traditionnelle, nous avons interrogé une soixantaine de familles sélectionnées par niveau de revenu, nombre d’enfants et localisation géographique (la Côte-d’Or et la Seine-Saint-Denis) qui ont pour point commun la naissance d’un premier ou d’un nouvel enfant en 2011, l’arrivée d’un enfant est en effet un moment de vigilance particulier qui fait converger les regards institutionnels sur la famille.

Quatre catégories de familles, hors de la norme du couple et de ses deux enfants ont été interrogées : les familles nombreuses de plus de trois enfants ; les familles récemment immigrées en provenance du Maghreb ou de l’Afrique de l’Ouest ; les familles recomposées et les familles homoparentales. Force nous a été de constater que les catégories de famille définies au départ s’interpénètrent souvent : les familles nombreuses rencontrées sont souvent aussi recomposées, ce sont aussi très souvent des familles d’origine étrangère et parfois des familles homoparentales. Nous ne visions pas au départ les familles monoparentales, il se trouve que nous en avons rencontré à partir des catégories « familles nombreuses » et « familles d’origine étrangère » du fait d’évènements récents dans les trajectoires familiales. Centré sur la toute petite enfance, notre travail a recueilli des données sur des âges plus élevés du fait de la présence dans les familles nombreuses, récemment immigrées ou recomposées de frères et sœurs plus âgés.

En prolongement des familles, nous avons rencontré un peu plus d’une vingtaine de professionnels avec lesquels les familles ont été effectivement en contact dans les deux premières années de leur bébé : médecins, sages-femmes, assistantes maternelles, psychologues, assistantes sociales, infirmières, puéricultrices, agents administratifs… travaillant dans des structures telles que les maternités, la Protection maternelle et infantile (PMI), les crèches, les structures multi-accueil (crèche et halte-garderie), les Relais d’assistantes maternelles (RAM), les lieux d’accueil enfants-parents, les centres sociaux, les associations d’aide aux parents, les caisses d’allocations familiales, les bureaux d’aide sociale, etc.


  1. Fabienne Berton est socio-économiste et membre associé du LISE (CNRS-CNAM) ; Marie-Christine Bureau est chargée de recherche au CNRS et membre du LISE (CNRS-CNAM) ; Barbara Rist est maîtresse de conférence en sociologie au CNAM et membre du LISE (CNRS-CNAM).
  2. Initialement réservée aux couples stériles, de nouveaux débats parlementaires à compter du 24 septembre 2019 ouvrent la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires (« La PMA pour toutes ») à l’intérieur du projet de loi sur la bioéthique.
  3. Pas uniquement biologique (Théry, 1998).
  4. Le terme de coparentalité revêt deux sens distincts : d’abord, c’est un principe juridique d’exercice conjoint de l’autorité parentale, tel que défini par la loi de mars 2002. C’est l’idée selon laquelle il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, dans la famille fondée sur le mariage comme dans la famille créée hors mariage, que le couple parental soit uni ou qu’il soit désuni (Dekeuwer-Défossez, 2003). Ensuite, ce terme est aussi utilisé dans le cas des familles homoparentales, « constituées sur la base d’un projet de coparentalité entre un homme et une femme qui peuvent chacun avoir un(e) conjoint(e) de même sexe » (Gratton, 2007 : 65). Le préfixe « co » renvoie alors au fait d’être parents ensemble d’un enfant.
  5. L’UNAF est une institution nationale chargée de promouvoir, défendre et représenter les intérêts de toutes les familles vivant sur le territoire français quelles que soient leurs croyances ou leur appartenance politique.
  6. Jusque dans les années 2000, le nombre d’adultes habitant le logement suffisait dans les enquêtes de recensement à établir la présomption d’une famille monoparentale, mais ensuite, une déclaration concernant l’absence de vie en couple a été ajoutée.
  7. Pour l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et l’INED (Institut national des études démographiques), une famille recomposée comprend un couple d’adultes, mariés ou non, résidant avec au moins un enfant né d’une union précédente de l’un des conjoints. Les enfants qui vivent avec leurs deux parents et des demi-frères ou demi-sœurs font aussi partie d’une famille recomposée.
  8. Le terme de coparentalité revêt deux sens distincts : d’abord, c’est un principe juridique d’exercice conjoint de l’autorité parentale, tel que défini par la loi de mars 2002. C’est l’idée selon laquelle il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, dans la famille fondée sur le mariage comme dans la famille créée hors mariage, que le couple parental soit uni ou qu’il soit désuni (Dekeuwer-Défossez, 2003). Ensuite, ce terme est aussi utilisé dans le cas des familles homoparentales, « constituées sur la base d’un projet de coparentalité entre un homme et une femme qui peuvent chacun avoir un(e) conjoint(e) de même sexe » (Gratton, 2007 : 65). Le préfixe « co » renvoie alors au fait d’être parents ensemble d’un enfant.
  9. Psychanalyste et professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université de Caen.
  10. La résidence alternée a été instaurée en 2012 dans 14,9 % des séparations.
  11. Lors de l’audition parlementaire de 2006, Mme Chantal Lebatard, administratrice de l’UNAF, a fait observer qu’il n’existait pas d’association de familles recomposées, la diversité de leurs situations ne leur ayant pas permis de dégager une approche commune. Depuis 2003, ces familles sont néanmoins représentées par l’ASFMR (Association syndicale des familles monoparentales et recomposées).
  12. http://www.collectifrecomposer.org/5.html
  13. http://blog.clubdesmaratres.fr/
  14. http://www.sospapa.net/
  15. https://www.apgl.fr/
  16. Colloque de l’APGL : « Homoparentalités : de l’égalité conjugale à l’égalité parentale ? » 1er et 2 février 2019.
  17. Homoparentalité : point sur la position des juridictions françaises, par Maïlys Dubois: https://www.legavox.fr/blog/mailys-dubois/homoparentalite-point-position-juridictions-francaises-16212.htm (consulté en juillet 2019).
  18. Agence nationale de la recherche, Blanc – SHS 1 – Sociétés, espaces, organisations et marchés, 2013. Projet DEVHOM, Homoparentalité, fonctionnement familial, développement et socialisation des enfants auquel Marie-Christine Bureau et Barbara Rist participent.
  19. GPA : Gestation pour autrui.
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  22. Paroles conclusives prononcées à la tribune du 19e Forum Le Monde – Le Mans qui s’est tenu du 16 au 18 novembre 2007 sur le thème « Masculin-féminin, les nouvelles frontières », citées par Olivier Rey (2013).


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